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MARTIN RAUCH, LE PISÉ 

Cette semaine je suis allé aux Grands Ateliers de Villefontaine pour assister à une conférence de Martin Rauch.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, et ils sont sûrement nombreux hors du petit monde des architectes et de la construction écologique, Martin Rauch est une référence internationale dans un domaine qu’il est, à ma connaissance, un des seuls à avoir réussi à développer autant depuis les années 90. Je veux parler du pisé ou « terre damée ».

Cette conférence a été tenue par Amàco dans le cadre de leur formation professionnelle sur la construction en pisé, « L’Art du pisé », qui se tient en ce moment. (Plus d’infos sur leur page Facebook)

On ne peut pas dire que l’invitation d’Amàco à participer à cette conférence ait laissé indifférent puisqu’une partie des étudiants venus pour l’occasion se sont fait refuser l’entrée de la salle faute de place. C’est donc dans l’ambiance chaude d’une masse curieuse et impatiente que j’ai découvert le maître.

Du haut de ses 35 années d’expérience sur un sujet que si peu de gens maîtrisent, il parla doucement, dans un anglais ciselé à l’accent germanique. Dépaysement total.

Le voyage avait déjà commencé !

 

Martin Rauch avant le pisé

En 1974, Martin Rauch débute sa carrière dans la céramique. Jeune étudiant, il apprend les techniques de cuisson de la terre et de construction des poêles de masses traditionnels autrichiens : les kachelofe.

Martin Rauchconstruction écologique terre crue
Crédit photo: Dominique et Paul Mariottini

C’est par le biais de l’art sculptural du potier et du céramiste puis par son goût pour les technologies primitives observées au tiers-monde qu’il arrive à l’architecture. Il a envie de faire re-vivre les modèles de constructions vernaculaires, inspirés de ses missions bénévoles en Afrique.

Ses réflexions le font opter pour une terre crue plutôt que cuite. Pour cela, il s’inspire des Kasbahs marocaines réussissant à se fondre si parfaitement dans un décor qui les entoure jusqu’à les constituer.

Inutile d’aller plus loin, Martin Rauch avait mit le doigt sur le sujet du travail de toute sa vie : La hutte africaine avec un standard européen !

Dans une Autriche prospère, son réalisme l’emmena à adopter, bien avant son époque, l’idéologie à contre courant du « mieux avec moins ». Moins de transports, moins de transformations, moins d’outils, moins de technique, pour plus de cohérence avec l’environnement et les besoins véritables.

Sa philosophie est une sagesse en elle-même : « Plus la technologie sera compliquée, plus nous ferons d’erreurs »

En cela, il se rapproche beaucoup du Thaïlandais Jon Jandai auquel j’ai dédié un article ici.

Pour concrétiser ses intuitions, Martin Rauch opta pour le pisé. Un travail de la terre sans aucune autre transformation que ce que les bras humains sont capables d’y apporter. « Brut de décoffrage » comme on dit bien à propos.

 

Sculpture de terre

Quand il présente son premier essai de pisé au public, en 1989, c’est encore en tant qu’artiste. Il s’agit d’un mur en terre damée de 180m de long et 7m de haut. Martin Rauch l’expose comme une sculpture dont les lignes intrigantes firent écho. Cet essai concluant motiva l’artiste à franchir les carcans du happening pour se jeter dans la « sculpture habitable ».

 

La chapelle de la réconciliation

C’est ainsi qu’en 1990 il se lance dans la construction. Pour la Chapelle de la Réconciliation à Berlin, il livre un mur en terre damée de 700 tonnes. Ce mur courbe, sorti d’un banchage original fabriqué par son équipe et lui même, lui permet de pousser un peu plus loin les limites de la faisabilité.

Martin Rauch construction écologique terre crue Pisé
Pisé courbe: Chapelle de la Réconciliation, Berlin

Martin Rauch prône le « little by little ». Dans son parcours il essaie d’apporter à chacun de ses projets un changement perceptible mais pas fondamental. Il se prémunit ainsi d’une trop grosse prise de risque tout en innovant et en développant ses connaissances du pisé.

L’aboutissement du projet de la Chapelle de la Réconciliation réside en partie dans le fait qu’après la chute du Mur de Berlin, les architectes à la base du projet souhaitaient trouver une alternative à l’utilisation du ciment qui représentait encore trop vivement la séparation des deux Allemagnes. En cela, la terre damée était un matériau de choix puisqu’elle cassait les habitudes et, plus important encore aux yeux de l’artisan céramiste, elle mettait en avant la valeur nécessaire du travail humain derrière l’œuvre !

 

 

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Autre article sur la terre crue : 30 RECETTES ÉCOLOGIQUES POUR STABILISER TES ENDUITS TERRE

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House Rauch

Martin Rauch éco-construction Terre Crue Pisé
The House Rauch

En 2005, avec son équipe de Lehm Ton Erde Martn Rauch s’attaque à la construction de sa propre maison. Semi-enterrée, sur les coteaux du village de Schlins en Autriche, la House Rauch est construite avec la terre décaissée à même le site.

Sa particularité est, entre autre, dans ses formes cubiques minimalistes et les lignes de briques horizontales qui l’habillent. Ces rangs de briques permettent d’améliorer la résistance de la terre crue aux intempéries et ainsi prolongent l’espérance de vie du bâtiment. Ce système, en plus d’être ingénieux, est incroyablement esthétique !

Martin Rauch Construction écologique Terre Crue Pisé
Rangs de briques protégeant le pisé

 

L’intérieur de la maison est également constitué de terre crue sous forme d’enduit. Martin Rauch y varie les techniques de finition et les couleurs pour ne pas se sentir trop écrasé par le matériau.

Il rappelle à ce propos, durant la conférence, que la couleur d’une terre ne s’altère jamais et qu’une fois sèche, elle demeure indéfiniment la même.

 

1996 1ère Préfabrication

Monter un mur en pisé est un travail important qui demande une grande organisation si on ne souhaite pas épuiser ses équipes. Cette logistique, difficile sur le terrain, est sensiblement simplifiée par la possibilité de recourir à la préfabrication. Cette préfabrication n’a pas que des avantages mais elle facilite grandement le travail.

 

Monter un mur en pisé est un travail important qui demande une grande organisation si on ne souhaite pas épuiser ses équipes. Cette logistique, difficile sur le terrain, est sensiblement simplifiée par la possibilité de recourir à la préfabrication. Cette

Martin Rauch éco-construction terre crue
Stockage et séchage des blocs découpéspréfabrication n’a pas que des avantages mais elle facilite grandement le travail.

Quand je lui ai demandé s’il n’utilisait aujourd’hui plus que des blocs de pisé préfabriqués, il m’a répondu que même si cela n’a pas uniquement été le cas jusqu’à aujourd’hui, il valorisait énormément le fait d’avoir des ateliers dédiés à la fabrication de blocs de pisé. Il me confia que s’il devait reconstruire la House Rauch demain, ce serait en préfabriqué.

La raison la plus évidente est de pouvoir travailler au sec 365 jours par an, bien sûr. Mais la préfabrication permet aussi de gagner beaucoup de temps car les machines élaborées pour son équipe peuvent constituer des murs allant jusqu’à 50m de long.

Ces murs sont ensuite découpés, et entreposés grâce à un système de rails dans une aire de séchage ou ils resteront 3 ou 4 mois.

Martin Rauch Construction écologique Terre Crue Pisé
Levage des blocs de pisé

Une fois prêts, les blocs sont transportés grâce à des systèmes de portage spécialement conçus puis assemblés comme des parpaings.

Un autre avantage de la préfabrication des éléments en atelier est la flexibilité créative qu’elle autorise. En effet, on peut y imaginer toute sorte de formes et d’expériences.

Je pense, par exemple, aux murs chauffants, aux murs pré-isolés, mais aussi… aux arches !

 

 

 

Voûtes de pisé

A l’automne 2014, Martin Rauch, accompagné de 26 étudiants, mirent sur pied un projet de construction de voûtes en terre damée sur le campus ETH Hönggerberg de Zürich.

Martin Rauch éco-construction Terre Crue Pisé
Coupoles en pisé au campus ETH Hönggerberg, Zurich

Ce projet, inimaginable dans un premier temps, a été rendu possible par la préfabrication de 19 éléments courbes en pisé dans les ateliers de Lehm Ton Erde.

Il s’agit là d’une avancée dans la recherche en bâtiment « durable » assez considérable car jusqu’ici rien de tel n’avait pu être expérimenté et encore moins étudié.

Grâce à ce projet, on sait aujourd’hui que la terre damée peut résister aux poussées verticales mais aussi obliques, et qu’une fois construit, la mise en place du mur n’est pas tenue de respecter le sens de l’empilement des couches.

Inutile de préciser que ce projet a été réalisé avec la plus grande attention et que des modèles similaires, à l’échelle semi-industrielle, Martin Rauch éco-construction Terre Crue Pisé pourraient ne pas fournir de résultats aussi probants. Il est effectivement nécessaire que le damage soit scrupuleusement homogène malgré les arrondis. Mais au moins on sait que c’est possible !

Je ne ferai pas dans cet article le tour des projets de Martin Rauch car ils sont innombrables. Si tu veux aller un peu plus loin, visite son site: http://www.lehmtonerde.at/en/

 

Le message que je souhaite faire passer en présentant Martin Rauch est celui d’un homme qui réussit brillamment à faire évoluer une technique qui s’était relativement peu développée depuis les travaux de François Cointreau il y a plus de 200 ans.

Martin Rauch est beaucoup suivi dans le monde de l’architecture, il est une référence internationale de la construction en terre et ses projets sont érigés tout autour du globe (Afrique du Sud, Inde, Moyen-Orient, États-Unis, …).

Aujourd’hui, dit-il, la technique du pisé est un système simple et durable, réalisable par tous. La plus grande difficulté, au-delà de la logistique qui est très pointue, c’est d’arriver à vendre le produit !

Depuis 2010, Martin Rauch est membre honoraire de la chaire UNESCO « Architectures de terre, cultures constructives et développement durable » et son entreprise Lehm Ton Erde, est la référence européenne pour la construction en terre crue.

 

 

Pour aller plus loin:

Le pisé est une technique de construction en terre crue remarquable.

Il en existe bien d’autres qui – bien qu’omniprésentes dans le paysage hexagonal – restent pourtant injustement méconnues. Si tu as envie d’aller plus en profondeur dans les possibilités de construction en terre crue je te propose de télécharger mon fascicule sur le sujet.

C’est un document pdf de 23 pages de texte et d’illustrations qui dissipe les derniers doutes sur la variété et l’efficacité des techniques constructives en terre crue. Clique ici pour  le télécharger.

 

Merci d’être arrivé jusque là. Si cet article t’a paru intéressant, prend une seconde pour le  partager sur facebook via les petits boutons qui flottent à gauche de l’écran. C’est encore la meilleure manière de me rendre service! :)

Au plaisir!

Crédit Photos: www.lehmtonerde.at

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  • Merci beaucoup pour cet article ! Qui me console d’avoir fait partie de ces personnes n’ayant pas pu rentrer faute de place. Mais il n’y avait pas que des étudiants en architecture ! Certaines personnes sortaient de chantier pour venir. C’est beau de voir que le public intéressé par la construction en terre crue est varié !

  • Eco.didaqt dit :

    Content que l’article t’ait plu :D

  • Invaders dit :

    Très intéressant pour ceux qui n’ont pas pu assister à la conférence! :) Longue vie à la construction terre!

  • baeteman dit :

    merci pour ce panagérique que tu pourrais certainement compléter par un nouvel article sur les’entreprises artisanales de rhone alpes(simplement locales…)comme Le Pisé avec Nicolas Meunier ou Archivolte avec Laurent Petrone qui sont des acteurs de terrain depuis bien des années(la maison Dumas à Sorbier date de 1988…)
    Le pisé porteur rest très confidentiel dans les prescriptions et les réalisations pour des raisons multiples et complexes parmi lesquels un manque cruel de lobbying face aux standards et à la culture asurantielle …le pari risqué de la performance et du prestige permet certe de flatter les égos en mal de reconnaissance un peu stérile mais la fabrication d’un consensus corporatiste de maçons piseurs serait bienvenu pour valider des résistances comprises entre 0,4 et 1 megapascals largement suffisant pour les contraintes de charges permanentes en réinventant les pertinences vernaculaires situées et déjà passées par les épisodes sismiques réels….
    à ta disposition…
    sincèrement
    pascal Baeteman

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