Bonjour à toi !
Quand on pense à isoler sa maison, il est plus courant de se tourner vers son fournisseur de matériaux habituel que vers le paysan du coin. Pourtant, il existe des réseaux de producteurs de matériaux isolants originaux et insoupçonnés.
Selon la définition de l’ADEME, un coproduit est une matière qui est créée au cours même du processus de fabrication d’un produit, que ce soit de façon intentionnelle ou non. Le coproduit est destiné à un usage particulier, distinct de celui du produit dont il est issu. Se situant entre le produit noble et le déchet, le coproduit, qui d’ailleurs ne date pas d’hier, a un nouvel avenir qui se profile car il n’y a rien de plus classique que de faire du neuf avec de l’ancien.
En parlant de coproduit agricole, je te fais sûrement penser à la paille qui en est l’exemple le plus répandu. Et avec raison, puisque la construction en bottes de paille est certainement la plus emblématique avancée découverte par le grand public de ces dernières décennies. J’espère qu’aujourd’hui plus personne ne doute de l’efficacité de ce matériau, de sa résistance au feu ou du faible intérêt que les rongeurs lui portent. Bref, que le mythe des trois petits cochons ne parasite plus les réflexions sur le sujet. Toutes ces qualités contre-intuitives ont finalement été démontrées et acceptées par le monde de la construction.
Mais je ne vais pas traiter aujourd’hui de cette paille qui doucement s’installe en ville, mais seulement de ses cousins des champs.
Les coproduits présentent beaucoup d’avantages, particulièrement ceux d’être abondants, peu coûteux et n’ayant pas subi de transformation énergivore . Ils peuvent s’avérer utiles pour des postes ciblés ou pourquoi pas, chez les plus organisés, comme isolant principal de la maison.
J’ai relevé 4 coproduits intéressants, surtout si l’on habite dans leur région de production. Ce sont les résidus de production du lin, du tournesol, du mais et du riz.
LE LIN
Utilisé depuis des milliers d’années dans la création de textiles, et avec 56% de la production mondiale (!!!), la France est de loin le plus gros pays producteur de lin.
Cette plante craignant les fortes chaleurs et le manque d’eau, les cultures françaises se trouvent essentiellement en bordure maritime, dans la région du «grand Nord».
Elle est bien sur cultivée pour l’huile de ses graines. Cependant, tout comme pour le chanvre, les coproduits de cette culture sont aujourd’hui très variés, allant de l’industrie textile, aux plastiques composites, en passant par le bâtiment.
Les fibres longues, réputées de très bonne qualité, sont expérimentées pour remplacer les fibres de verre et de carbone.
Dans le bâtiment, on retrouve son utilisation en tant que matériaux d’isolation, sous une forme plus ou moins travaillée (panneaux et rouleaux de laine de lin, étoupes, anas).
Transformation: de la plante aux matériaux de construction
Après la récolte, le lin est livré aux entreprises de première transformation sous formes de balles, qui vont être déroulées, puis teillées (séparation des fibres du « bois» de la plante). Dans un 1er temps, les graines seront récupérées, pour la fabrication d’huile, et dans un second temps, la tige sera battue, pour en séparer en les différents composants. Au final, on obtiendra d’un coté, le «bois», également appelé «anas de lin» ou «paillettes de lin», et les fibres, qui seront triées selon leur longueur. Les fibres longues seront ensuite peignées, afin d’obtenir des fibres de plus en plus fines, à destination de l’industrie textile. Les fibres courtes, également peignées, seront utilisées pour créer des isolants sous différentes formes (en vrac, en panneaux ou en rouleaux).
Pour l’utilisation en tant qu’isolant, les fibres de lin sont généralement tassées entre deux rangs de lattis dans une ossature bois.
Enfin, les anas de lin qui représentent 50% de la plante, seront en grande majorité agglomérés pour former des panneaux, qui entreront dans la fabrication de meubles notamment.
On retrouve également son utilisation en tant que paillage horticole, litières et dans le bâtiment des recherches sont en cours sur le béton de lin et la brique de lin. (Source ESITC Caen, CNRT Basse-Normandie, et concours ADREAM)
LES BALLES DE RIZ
Amis Camarguais, la balle de riz est la solution pour vous !
La balle de riz, c’est l’enveloppe siliceuse qui protège le grain de riz pendant sa croissance. Elle est composée de deux glumelles en forme de barques, qui épousent la forme du grain. Cette enveloppe étant solidement accrochée au grain, elle ne peut pas être séparée du grain à la récolte par une moissonneuse batteuse. Le riz récolté est donc stocké au sec et décortiqué dans les usines (les rizeries).
La balle de riz est aujourd’hui principalement utilisée comme combustible (étuvage du riz) et en litière animale. Sa production annuelle en Camargue s’élève chaque année à 20 000 tonnes, rien que ça !
La première utilisation en isolation thermique par voie sèche date de 2004, en Louisiane, aux Etats-Unis. Cet usage se développe en France depuis 2010, en remplissage d’ossatures et en combles perdus, par déversement, par soufflage ou pour boucher des vides en complément d’isolants rigides ou semi-rigides. L’utilisation par voie humide est en phase de test. Son fort taux de silice (20%) la rend naturellement résistante à l’humidité (pourrissement) et la rend peu inflammable. Dans l’état actuel de la production, la balle de riz contient de la poussière et des grains de riz résiduels ce qui, il faut l’admettre, obligera à veiller tout particulièrement de ne permettre l’accès des caissons aux rongeurs gourmands.
LES RAFLES DE MAIS
La rafle de maïs est le cœur de l’épi égrainé, elle est légère et peu sensible à la compression.
Les rafles de maïs ont été beaucoup utilisées par le passé pour isoler les plancher de fermes. On en retrouve noyées dans des mortiers de chaux ou simplement concassées et tassées.
Les rafles de maïs broyées sont plus denses que la chenevotte (chanvre) ce qui lui fait perdre un peu de performance au niveau thermique, mais gagner en performance acoustique.
Bien qu’en règle générale, on ne saurait trop conseiller d’utiliser des isolants végétaux à même le sol, pour éviter tout risque de détérioration par capillarité, Patrick Charmeau s’est essayé à l’utilisation de rafle de maïs pour la dalle sur hérisson de ses chantiers. Les résultats semblent avoir été satisfaisants et il les détaille sur le site Areso.asso.fr.
Pour moi un gros avantage de ce coproduit, c’est sa disponibilité sur tout le territoire et en grande quantité. Je suis d’ailleurs très surpris que l’on n’exploite pas plus ce sous-produit ultra répandu.
LE TOURNESOL: Le projet Déméther
Suite aux recommandations du Grenelle 2 en 2010 et afin d’offrir un débouché aux sous-produits agricoles jusqu’ici inutilisés, les partenaires du projet Demether travaillent depuis 2011 au développement de nouveau matériaux isolants à base de tournesols. De tiges de tournesol, plus précisément.
En effet, une fois les têtes de tournesol récoltées, les tiges restent habituellement inutilisées. Pourtant, comme les tiges de chanvre, l’intérieur des tiges de tournesol est spongieux, ce qui lui permet d’emprisonner l’air et d’avoir un bon rendement isolant. De plus ses fibres extérieures sont assez solides pour permettre sa tenue mécanique, ce qui est un atout indispensable pour éviter le tassement. Cette plante de tournesol pourrait donc, après sa « décapitation », servir le bâtiment plutôt que de rester inutilisée dans les champs ou être brûlée par le producteur.
Personnellement je n’ai pas réussi à trouver de suite à ce projet, il semble également impossible de trouver ce matériau à la vente. J’en conclu que, pour une raison ou une autre, les instigateurs de cette idée originale n’ont pas réussi à trouver des industriels pour soutenir le projet et passer à l’étape de production-distribution.
Néanmoins, j’invite à garder en tête que 9 bonne idées sur 10 ne passent jamais le stade de la réalisation. Pour des raisons d’égo, de motivation ou de financement. Mais cela ne les empêchent cependant pas de rester de bonnes idées ! Et même s’il est vrai que la réglementation (assurances, normes thermiques…) freine la mise en œuvre des isolants végétaux en vrac, elle ne les interdit cependant pas.
Le but de cet article est donc simplement de rappeler que ce n’est pas parce que tout le monde s’en fout que l’on ne peut pas imaginer employer ces techniques chez soi. Peut-être pas pour isoler toute la maison, mais pour une extension, un garage, un plancher.. Cela ne coûte rien et en plus ça permet de faire du lien avec l’agriculteur du coin. Une bouteille de vin et une après-midi de déchiquetage plus tard, tu as ton isolant fait maison qui n’aura plus qu’à sécher tranquillement et éventuellement être stabilisé avec un peu de chaux avant de pouvoir être caissonné.
Les coproduits ont longtemps été vus comme des résidus de peu de valeur. Toutefois, de nouvelles techniques de transformations innovantes pourraient bien inciter les entreprises à en repenser la valeur économique. Enfin c’est ce que l’on espère !
Maintenant co-produit cet article en laissant ton commentaire ;)
Plus d’infos