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La terre crue dans la construction : une ressource inexploitée ? 

Matériau pluri-millénaire, la terre crue continue de fasciner. Comment la mettre en œuvre, en faire une profession ou simplement mieux la connaître. A travers cette article, je dresse un état des lieux de la construction écologique en terre crue. En structure, en enveloppe ou en parement, découvre les mille facettes de ce matériau mondialement adopté dans l’habitat et la maison durable.

La terre crue dans le monde

Depuis la nuit des temps, la terre crue est le principal matériau de construction de l’espèce humaine et de bien d’autres espèces.

De la hutte en terre des premières sociétés aux temples indiens et aux ensembles de villes maliennes, cette substance multiforme a abrité des millions de personnes sur tous les continents.

Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 150 sites du patrimoine mondial de l’UNESCO qui sont entièrement ou partiellement construits en terre crue.

Jusqu’en 2017, le projet “WHEAP” (Programme du patrimoine mondial pour

l’architecture de terre) s’est occupé de relever et de catégoriser ses constructions emblématiques.

Au final, il ressort que près de la moitié de l’humanité réside actuellement dans un habitat composé, au moins en partie, de terre crue.

De Mexico à Tokyo, en passant par l’Espagne ou l’Afghanistan, tu  pourras trouver le détail de ces architectures en terre crue sur ce magnifique document.

Unesco world heritage

Et comme tu peux le voir ci dessous, la France n’est pas en reste de sites en terre crue remarquables (oui, faut zoomer un peu :p)

Carte terre crue france

La terre crue en France

 Certains d’entre vous vivez peut-être dans un bâtiment en terre crue sans le savoir. Certaines régions, telle que l’Isère, comptent à peu près 75% de leur  patrimoine constructif en pisé. Lyon, s’avère être une des rares grandes villes européennes construites en pisé dans des proportions aussi incroyables. L’Alsace et la Normandie possèdent un patrimoine en colombage et en pans de bois largement majoritaire. Chaque région a su développer un savoir-faire particulier, que ce soit avec le torchis, la bauge ou les adobes (briques de terre crue).

Dans les années 1980 et 1990, un premier engouement sérieux secouait les mentalités hexagonales avec l’apparition de projets d’ampleur tel que Le Domaine de la Terre (65 logements individuels mitoyens répartis sur 2,2 hectares) à Villefontaine ou les expositions au Centre Pompidou. Les terres crues regagnaient les cœurs, mais cela ne dura qu’un temps, médiatique et politique.

Les types de construction en terre crue en France

Pour tout savoir sur les différents types de constructions en terres françaises, le plus simple est de te procurer le manuel pratique que j’ai édité à cet effet.

Tu peux te le télécharger tout de suite avant de continuer cet article. Ouvre-le dans un nouvel onglet pour compléter les informations de cette page. Télécharger le guide >>>>>>>>

Petit guide de la terre crue en France

Du torchis à l’architecture en terre

La durabilité du matériau terre

Inutile donc de se demander si la construction en terre est durable. Elle l’est de multiples façons. 

Le rapport WHEAP a prouvé qu’elle l’est dans le temps et il n’est pas besoin de démontrer qu’elle est écologiquement durable. Surtout en comparaison des solutions employées actuellement.

Pourtant, on est en droit de se demander quelle pourrait être sa place dans le mode de vie contemporain. Car n’en déplaise aux plus radicaux, la terre crue ne remplacera jamais le ciment.

Il faut être juste et accepter que chaque matériau a sa place et son utilité particulière. Par exemple, quand j’arrive à la gare de Pardieu, je suis plutôt rassuré que les escaliers qui me portent moi et les centaines d’âmes exprimés de trains bondés, soient effectivement en béton de ciment bien ferré et non en terre crue armée de bambou.

Cependant, là ou beaucoup d’autres font erreur, c’est en sous-estimant le potentiel inédit du matériau terre et en le classant parmi les tendances néo bourgeoises des architectes en mal de différenciation.

La terre crue dans l’architecture moderne

Il est vrai que le phénomène de la terre crue devient prisé par les architectes modernes et j’en suis heureux. Les motivations sont tantôt écologiques, tantôt économiques, tantôt techniques. Ce qui est sûr, c’est que l’image du matériau change et on ressent un basculement de l’imaginaire collectif en faveur de ce qui est ironiquement voué à être le matériau du futur.

Usine Ricola en pisé by Ertzog&Demeuron

Usine Ricola en pisé by Ertzog&Demeuron

China Academy of Art 1

Académie d'Art de Chine

Wang shu

Wencun Village by Wang Shu

Pour ne citer que quelques grands architectes, on retrouve Enzo Piano, Erzog&Demeuron, Wang Shu, Philippe Stark ou Françis Kéré qui ont monté des projets bio-climatiques colossaux et rayonnants autour de la terre crue.

Cela sans oublier l’autrichien Martin Rauch, sur lequel j’ai écrit un papier et qui a largement contribué à réveiller la technique du pisé en Europe et dans le monde.

Design d’intérieur couleur terre

Le monde du design d’intérieur et de l’art se penche également sur les propriétés toutes particulières du matériau séculaire. 

Beaucoup d’éléments intérieurs gagnent à posséder les propriétés régulatrices des argiles.

Les parements intérieurs en briques de terre comprimée (BTC) offrent une acoustique et des ambiances thermiques inédites. De plus les facultés de stockage et de redistribution progressive de la chaleur en font le matériau d’éco-construction idéal pour réaliser des économies d’énergies. Le meilleur exemple étant celui des poêles de masse.

poele-masse-pise

Poêle de masse et intérieur en terre crue, by Lehm Ton Erde Baukunst

Certains artistes jettent également leur dévolu sur cette matière aux mille textures. Que ce soit pour réaliser des objets contemporains ou des enduits particulièrement soignés.

enduit terre gratté

Enduit terre gratté, by Daniel duchert

design terre crue argile
design terre crue

La terre crue pour construire sa maison, quel intérêt ?

Le bilan carbone de la construction aujourd’hui

Comme le rappelle souvent Michel Philippot de l’association LESA, le bilan carbone du bâtiment représente 40% des émissions de CO2 hexagonales. C’est beaucoup trop !

Surtout quand on sait que des systèmes de constructions alternatifs et moins énergivores existent et sont reconnus par les institutions de contrôle. Évidemment, il n’est pas facile de remettre en cause une industrie prospère et armée pour se défendre. Celle-ci jouant de ses leviers d’influence dans les plus hautes sphères.

La recyclabilité dans le bâtiment

A l’heure actuelle, Les normes Européennes ont fixé l’objectif de 70% de valorisation des déchets du BTP à l’horizon 2020. Cela signifie que d’ici quelques mois un audit nous confirmera ou non la réalisation de cet objectif ambitieux par les États membres. 

En attendant ce que l’on sait c’est qu’il s’agit de +250 millions de tonnes de déchets de toutes natures que l’on peine à revaloriser. La terre crue a deux cartes à jouer dans cette problématique :

  1. Elle pourrait réduire la masse de rebus d’excavation puisque celui-ci serait transformé en matériau d’éco-construction. 
  2. Elle pourrait servir à la réalisation d’enveloppes et pourquoi pas de structures de bâtiments, permettant ainsi la mise sur pied de bâtiments sains et recyclables.

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Autre Article susceptible de t’intéresser :

Formation à l’éco-construction (OPEC)| Retour d’expérience

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L’ambiance thermique des habitats en terre crue

Immédiatement revalorisable et entièrement recyclable, c’est énorme mais ce n’est pas tout ! En plus, de ses qualités écologiques, la terre crue possède un véritable panel de vertus inouïes. Elle régule l’ambiance hygrométrique (c’est à dire l’humidité de l’air) comme peu de matériaux actuels. Combiné à ses pouvoirs thermiques d’inertie (stockage des calories) et de déphasage (transmission progressive des calories), elle procure une incontestable sensation de confort dans l’habitat.

Il faut avoir visité ou vécu dans une de ces maisons pour le comprendre vraiment. Inutile donc que je me fatigue à essayer de le démontrer.

Ajoute à cela que le matériau ne pollue pas l’air intérieur (800.000 morts par an en Europe) et tu comprends tout l’enjeux de l’adopter.

Et si on ne trouve pas d’alternative plus écologique…

Alors, on continuera à produire des solutions polluantes qui nécessitent beaucoup de transformations et beaucoup de transport

Et, ironie du sort, la vague de changement climatique qui ne nous épargnera pas, nous sera d’autant plus pénible que nous ne vivrons pas dans des habitats résilients aux canicules, comme… ceux en  terre crue. 😉

Les matériaux écologiques : une source d’opportunités

Il me semble évident que les matériaux de construction écologique seront une grande source de développement dans les décennies à venir. Ils seront porteurs d’une économie locale (si tout va bien) et circulaire dans différentes filières.

La création de nouveaux matériaux écologiques

Aujourd’hui, nous arrivons tous à la conclusion logique que pour être environnementalement convenable, un matériau écologique doit subir un minimum de transformations. 

La filière de recherche et de développement autour de la terre crue se retrouve alors devant un challenge très excitant : La création de nouveaux matériaux d’éco-construction fiables, issus de matériaux bruts et sains. Certaines recherches ont déjà porté leurs fruits avec notamment l’utilisation de fibres et de  microfibres naturelles. Ce fibrage a permis la réalisation de plaques de terre crue fibrée comme celles commercialisées par la société Argilus.

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Plaque de parement en terre crue fibrée, by Argilus

D’autres matériaux comme cet incroyablement résistant “placoterre” (développé par Amàco) pourraient eux-aussi s’ouvrir à la distribution.

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Les projets en cours autour de la terre crue dans le bâtiment

Les terres du Grand Paris

Les Terres du Grand Paris répondent effectivement à un grand pari. Celui de la valorisation des déblais du chantier des nouveaux quartiers du Grand Paris. Ce projet vise à créer des habitations en terre crue dans ces nouveaux quartiers en récupérant les déblais non pollués de ce même chantier au lieu de les évacuer complètement.

Il est porté par le collectif Cycle Terre que je t’invite à suivre. Au total ce sont 8000 tonnes de matière par an qui pourront ainsi trouver une voie de revalorisation. Et ce n’est qu’un début.

La construction d’un éco quartier à Sevran a déjà débuté grâce à cette initiative.

Un immeuble construit en terre à Lyon

Depuis 2019, se dresse à Lyon un immeuble en pisé de 11m de haut. Réalisé par l’artisan Nicolas Meunier. Grâce à des techniques de préfabrication de murs en terre, un assemblage de légo géants en terre crue devient possible. Au total, 280 blocs de pisé furent ainsi fabriqués et assemblés in-situ. Le tout, agrémenté de magnifiques arches qui démontrent que la créativité et les défis techniques nouveaux font aussi partie de l’aventure.

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Immeuble de 11m de haut construit à Lyon-confluence, by Nicolas Meunier

Fais-moi un signe

Je ne suis pas à jour de tout ce qui se fait dans le monde de la terre en ce moment. Si tu l’es, n’hésite pas à me poster des projets dignes d’intérêt dans les commentaires pour que je les mette en avant dans ce chapitre.

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Autre Article susceptible de t’intéresser :

Où trouver de l’argile gratuite !!!

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Les opportunités d’emploi, la bonne et la mauvaise nouvelle

Si les opportunités d’emploi autour de la construction ou de la restauration en terre crue existent bel est bien, encore faudra-t-il savoir comment tirer son épingle du jeu.

Avec des projets tels que Cycle Terre, se dévoilent deux tendances. Une bonne et une moins bonne. Commençons par la moins bonne…

La mauvaise nouvelle

Organiser le réemploi des déblais d’excavation à base d’argile, offrant l’accès à des milliers de m3 de terre à construire, est un coup de maître. Cependant, la question de comment employer cette terre demeure. En effet, les normes concernant les matériaux constructifs sont très poussées et les matériaux bio-sourcés ne possèdent pas encore de documents techniques suffisants pour encourager les promoteurs. La terre crue en temps que structure reste donc l’apanage de quelques architectes assez courageux pour en assumer les risques et faire face aux blocages administratifs à répétition.

Heureusement, l’émergence de nouveaux bureaux d’études spécialisés en terre crue vient épauler le développement de projets originaux (et surtout durables, faut-il le rappeler).

La bonne nouvelle

Par contre, les secteurs du second œuvre ont tout à gagner à employer et à développer les avantages de l’or brun. Celui-ci devenant par ailleurs beaucoup plus accessible grâce au réemploi des déblais de chantier. La transformation de la terre crue brute en matériaux de construction écologique et d’aménagement devient alors un filon porteur. Les maçons de terre sauront certainement profiter de cette aubaine pour déployer l’essor de la “maçonnerie douce” (comme j’aime bien l’appeler).

Maintenant, le pari est de réussir à former suffisamment de professionnels avant que le filon ne soit balayé par des intérêts divergents.

cycle de recyclage des déblais

Cycle de réemploi des déblais d’excavation, par Cycle Terre

Où se former et se professionnaliser ?

Il existe des plateformes de formations à l’écoconstruction que je brosse en détail dans cet article. La liste n’y est pas exhaustive car beaucoup de choses bougent positivement dans le secteur. Bien que le combat soit encore loin d’être gagné.

La première formation diplômante  spécialement dédiée aux emplois de la terre crue est celle de la très active association LESA, toutes les infos sont à trouver en cliquant ici.

Pour les professionnels souhaitant se spécialiser, Amàco propose également des formations de qualité, plus d’info ici.

Pour les étudiants en architecture, l’ENSAG (École Nationale d’Architecture de Grenoble) permet une spécialisation à travers son DSA Architecture de Terre

Des MOOC (cours gratuits en ligne) voient également le jour pour sensibiliser particuliers et professionnels aux enjeux et aux techniques de la terre crue. C’est une initiative remarquable et qui se tient en ce moment même. Si tu es curieux(se), je t’invite vivement à t’y inscrire tout de suite car les inscriptions fermeront dans quelques jours. Puisque je te dis que c’est gratuiiiiiit 😉

Pour le reste il y a les manifestations annuelles que je ne traiterai pas ici mais que je ne manque pas d’annoncer dans mes newsletters.

C’est possible ! 🙂

Voilà, ce petit voyage sur terre s’arrête ici en ce qui me concerne, mais je t’invite à le faire vivre sur tes réseaux sociaux pour que la flamme du matériau le plus répandu à travers le monde reste vive dans les esprits (et convertisse les indécis).

Pour toi ce n’est qu’un partage mais pour moi c’est la garantie que le message que je tente de véhiculer devienne visible du plus grand nombre.

Tous tes commentaires ou compléments d’informations profiteront bien entendu à  des mises à jour régulières.

Que le soleil se lève à nouveau sur la terre ! 😉

soleil

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Découvre 40 recettes de peintures et enduits écologiques :

  • Salut Gautier, j’ai récemment découvert ta page passionnante par le biais d’un ami, nous sommes sur un gros chantier partiellement en auto-construction et nous souhaitons utiliser le plus que possible la terre locale qui est fort argileuse. Nous venons de faire tomber un enduit derrière lequel nous avons découvert de magnifiques pierres que nous souhaiterions rejointer, nous avons fait un test avec un un peu de terre et de sable mais ne trouvant pas d’information sur les joints de pierre en terre je me suis dis que peut être tu aurais quelques conseils utiles? Est ce que cela se fait? ou vaut il mieux rajouter un liant? Belle soirée à toi et merci de partager tous ces articles forts intéressants avec nous !

    • EcoDidacte dit :

      Bonjour Irène,

      Oui, tu peux tout à fait faire des joints en terre. Certaine maçonneries anciennes sont entièrement montées au mortier de terre.

      Par contre, je ne peux pas te donner de recette garantie de fonctionner car cela dépend beaucoup de ton argile.

      Pense à bien laver les reste d’enduits qui ne tiennent pas et bourre bien tes joints. (hehehe..)

      Une alternative, sera de rajouter une peu de chaux aérienne à ton mortier si tu veux des joints plus résistants.

      Bon chantier,

      Gautier

  • Gaël LE CLECH' dit :

    Bonjour Gautier,
    en premier et tout d’abord pour commencer au début : un gros MERCI pour ton boulot de vulgarisensibilisation. J’ai cependant tentè de m’inscrire au Mooc de Bâtiment Durable ce jour (11/02) mais malgré plusieurs essais, rien à faire ça ne marche pas. Aurait-il fallu que je m’inscrive dès la mise en ligne?
    Dommage car j’ai un projet de réno/construction au Canada dans lequel j’aimerais intégrer un poêle de masse et une serre avec mur thermique pour récupération calorifère par pompe à chaleur vers un chauffage par le sol…
    Merci encore pour tes partages;
    bonne soirée!
    Gaël

    • EcoDidacte dit :

      Bonjour Gaël,
      Merci pour le gentil mot… Effectivement, il se peut que ce MOOC ne soit plus à jour, ou qu’il soit hors ligne pour l’instant 😕
      Dans tous les cas, ej te souhaite plein de fun dans ton chouette projet 😀
      A + Gautier

  • Bonjour. J’ai un projet de construction de maison en terre crue au Sénégal. Et je ne sais pas par où commencer. S’il y a des personnes qui s’y connaissent, veuillez m’aider svp.

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